La crise sanitaire se double désormais d’une crise économique qui impose à certaines entreprises d’adapter leur organisation. Dans ce contexte, l’accord de performance collective, qui permet notamment de moduler à la hausse ou à la baisse la durée du travail et les rémunérations, peut apparaître comme une solution. Dans un « questions-réponses » publié fin juillet 2020, le ministère du Travail fait le point sur le cadre applicable à ces accords particuliers, en ce que ses dispositions s’imposent au contrat de travail des salariés.
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Pour quels motifs un accord de performance collective peut-il être négocié dans l’entreprise ? Pour être valide, un accord de performance collective doit-il contenir certaines stipulations obligatoires ? L’accord de performance collective peut-il mettre en place un dispositif de forfait annuel ? Dans un document publié le 23 juillet 2020, le ministère du Travail répond à une vingtaine de questions pratiques sur les règles à respecter pour mettre en œuvre valablement un accord de performance collective.
Objet de l’accord de performance collective
Le ministère du Travail rappelle dans un premier temps que l’accord de performance collective permet de « négocier des mesures exclusivement dans trois domaines limitativement énumérés par la loi (qui ne se cumulent pas nécessairement) :
- L’aménagement de la durée du travail des salariés ;
- L’aménagement de leur rémunération (éventuellement à la baisse) ;
- La détermination des conditions de leur mobilité professionnelle ou géographique au sein de l’entreprise. »
La particularité de l’accord de performance collective est qu’il s’impose au contrat de travail. Ainsi, « si des clauses du contrat de travail sont incompatibles avec les dispositions de l’accord de performance collective, et que le salarié accepte l’application de cet accord, elles vont être suspendues pendant la durée de vie de l’accord ». Si, à l’inverse, le salarié refuse l’application de l’accord, il « peut être licencié pour un motif spécifique qui constitue une cause réelle et sérieuse ».
Le document précise par ailleurs que l’APC « peut ne concerner qu’une seule catégorie de salariés, ou qu’un seul établissement ».
Exemples de cas de recours
L’accord de performance collective « est conclu pour répondre aux nécessités liées au fonctionnement de l’entreprise ou en vue de préserver ou de développer l’emploi ». Le document fournit plusieurs exemples de situations dans lesquelles une entreprise peut avoir recours à un APC. Ainsi, « pour faire face à la nécessité de redéployer du personnel sur les sites de production de l’entreprise, un APC peut prévoir une mobilité géographique des salariés », même si leurs contrats ne prévoient pas de clause de mobilité. « Pour faire face à un surcroît durable d’activité dans l’entreprise, un APC peut prévoir de majorer le temps de travail hebdomadaire au-delà de 35 heures », dans la limite des dispositions en vigueur sur les heures supplémentaires. Ou encore, « pour rationaliser sa gestion du personnel, une entreprise peut conclure un APC en vue d’harmoniser les règles de rémunération ».
Malgré sa souplesse, l’accord de performance collective ne peut pas s’appliquer en toutes circonstances, prévient toutefois le ministère du Travail. Ainsi, « l’accord de performance collective ne peut pas être utilisé pour la fermeture définitive d’un site ou d’un établissement, lorsque cette fermeture entraîne un déménagement de l’intégralité des postes et fonctions du site ou de l’établissement et que les conditions de reclassement proposées aux salariés par l’employeur dans le cadre de l’accord présentent des caractéristiques telles qu’un refus de la très grande majorité des salariés concernés peut être anticipé avec un degré de certitude élevé ».
En effet, « l’accord de performance collective ne saurait se substituer aux dispositions applicables en matière de licenciement collectif pour motif économique », souligne le ministère. Un tel usage de l’APC constituerait « un abus de droit ».
Conditions de validité d’un accord de performance collective
Une entreprise qui souhaite négocier un accord de performance collective « peut faire face à des difficultés économiques, mais ce n’est pas une condition obligatoire », rappelle le document.
De même, aucune clause n’est obligatoire pour que l’accord de performance soit valide. L’accord définit ses objectifs dans son préambule et énonce quatre clauses facultatives :
- Les efforts des dirigeants salariés, des mandataires sociaux et des actionnaires, proportionnés à ceux demandés aux salariés pendant la durée de l’accord ;
- Les modalités d’information des salariés sur son application et son suivi pendant toute sa durée, ainsi que, le cas échéant, l’examen de la situation des salariés au terme de l’accord ;
- Les modalités selon lesquelles sont conciliées la vie professionnelle et la vie personnelle et familiale des salariés ;
- Les modalités d’accompagnement des salariés ainsi que l’abondement du compte personnel de formation au-delà du montant minimal supplétif.
Pour être valide, l’accord de performance collective doit donc uniquement remplir les conditions de validité de tout accord collectif.
Aménagement de la durée du travail
« Un accord de performance collective peut augmenter la durée hebdomadaire ou quotidienne de travail, la diminuer, prévoir une nouvelle répartition des heures travaillées au sein de la journée ou de la semaine. Il peut aussi aménager le temps de travail sur une période supérieure à la semaine. » Mais, prévient le ministère, « ces aménagements doivent se faire dans le respect de l’ensemble des dispositions du code du travail relatives à la durée du travail : durée légale, heures supplémentaires, durées maximales de travail, repos quotidien et hebdomadaire, repos dominical, temps de pause, travail de nuit, temps partiel, aménagement pluri-hebdomadaire du temps de travail, etc. »
Ainsi, un accord de performance collective peut :
- Répartir le temps de travail sur six jours au lieu de cinq dès lors qu’il respecte les règles du repos hebdomadaire et du repos dominical ;
- Supprimer ou diminuer le nombre de congés conventionnels dans la limite des cinq semaines de congés payés ;
- Décider de ne plus faire chômer les jours fériés, à l’exception du 1er mai…
Un accord de performance collective peut aussi « mettre en place un dispositif de forfait annuel, en heures ou en jours ». Dans ce cas, il doit « contenir toutes les clauses légales obligatoires prévues par le code du travail : période de référence, plafond d’heures ou de jours, impact des absences sur la rémunération, etc. » Il doit aussi « respecter les conditions d’éligibilité des salariés aux forfaits annuels ». De plus, « la mise en place du forfait doit recueillir l’accord du salarié, concrétisé par la signature d’une convention individuelle de forfait ». Le seul fait qu’un accord de performance collective soit signé et que le salarié l’ait accepté « ne dispense pas l’employeur de recueillir l’accord ultérieur du salarié pour une application effective du forfait à sa situation ». « Le salarié ne peut pas se voir imposer le forfait et son refus ne peut être une cause de licenciement. »
À l’inverse, si l’accord de performance collective modifie un dispositif de forfait existant, « les stipulations de l’accord se substituent aux clauses de la convention individuelle de forfait (ou les clauses du contrat de travail propres au forfait) qui leur sont contraires et incompatibles. Le salarié n’a pas à signer de nouvelle convention individuelle de forfait. Son acceptation de l’accord de performance collective vaut acceptation de la modification de sa convention individuelle ». Attention, si l’accord « permet à de nouvelles catégories de salariés de travailler dans le cadre d’un forfait annuel », l’accord de ces salariés devra être matérialisé par la conclusion d’une convention de forfait.
Réduction de la rémunération
« Un accord de performance collective peut par exemple réduire la rémunération des salariés, dans le respect du Smic et des salaires minima conventionnels hiérarchiques », sachant que « la notion de rémunération recouvre le salaire et les accessoires de salaire ». « S’agissant du salaire, il peut s’agir du salaire horaire, mensuel ou annuel. » Un APC peut également « réduire le taux de majoration des heures supplémentaires », dans la limite de 10 %.
Conséquences du refus du salarié
« Un salarié peut refuser l’application de l’accord de performance collective à son contrat de travail », rappelle le ministère. « Il dispose d’un délai d’un mois pour faire connaître son refus, par écrit, à son employeur. Ce délai court à compter de la date à laquelle l’employeur informe les salariés de l’existence et du contenu de l’accord, ainsi que de leur droit de l’accepter ou de le refuser. »
Un salarié qui refuse l’application de l’accord à son contrat peut être licencié, la procédure de licenciement devant être engagée « dans les deux mois qui suivent la notification du refus du salarié ». Cependant, l’employeur n’est pas tenu de licencier les salariés qui ont fait connaître leur refus. Il peut librement « décider de licencier, ou non, tout ou partie de ces salariés ». En effet, la loi ne crée « aucune automaticité entre le refus du salarié et la mise en œuvre d’un licenciement ».
Si un salarié protégé refuse l’application de l’accord, il peut être licencié. Dans ce cas, son licenciement reste subordonné à l’autorisation préalable de l’inspecteur du travail. Ce dernier doit être saisi après la mise en œuvre de la procédure interne à l’entreprise applicable à tout licenciement d’un salarié protégé et de la procédure conventionnelle prévue par l’accord APC. Quant aux salariés en CDD qui refuseraient l’accord, ils ne peuvent, par définition, être licenciés pour ce motif.